Le 6 août 1945 explosait la première bombe atomique à Hiroshima. Aujourd’hui, au milieu d’un grand parc rempli de cerisiers en fleurs, un bâtiment « Belle Epoque » au dôme calciné témoigne encore de la violence de cet événement. Après avoir visité le musée de la paix, qui retrace ce jour où les habitants de la ville ont fait face à la folie humaine, je me décidai à m’asseoir face au dôme calciné pour méditer quelques instants sur ces événements historiques. Je sortis ma précieuse bouffarde.
J’allumai le tabac en me remémorant le récit d’un survivant lu sur un mur du musée. Il décrivait les instants précédant l’explosion. « A dragonfly flitted in front of me and stopped on a fence. I stood up, took my cap in my hands, and was about to catch the dragonfly when... » J’essayai d’imaginer la violence extrême des quelques secondes qui ont suivi la déflagration, la vision d’apocalypse des jours et des mois qui ont suivi, le poids du traumatisme dans les années, les décennies suivantes... Et alors que je pensais avant d’arriver à Hiroshima trouver une ville rongée par le passé, triste et déprimante, ce que je contemplais ma bouffarde au bec, c’était une ville joyeuse, un parc de la paix peuplé d’enfants riant et gesticulant – bref, que la vie avait repris ses droits sur cette terre touchée un jour par le plus profond désespoir.
Je tirai tranquillement sur ma bouffarde et me demandai qui aurait pu penser il y a une cinquantaine d’années dans ces temps si troublés, après les milliers de morts et les souffrances extrêmes vécues par tant de gens, que la vie reprendrait ainsi le dessus, qu’il y aurait une foule de gens pique-niquant joyeusement sous les cerisiers en fleurs.
On pourrait comparer Hiroshima au mythique Phénix car cette cité était littéralement née de ses cendres...
Ma pipe touchait à sa fin, un reste de tabac brûlait et chauffait vigoureusement le foyer. J’arrivais à la conclusion que les événements les plus difficiles devaient donc toujours laisser place à l’espoir, qu’après l’hiver venait sans aucun doute invariablement le printemps.
Je rangeai ma pipe dans sa blague et quittai mon banc pour aller voir de plus près d’improbables hippies japonais pique-niquant au bord du fleuve...